Il n’y avait d’ailleurs pas que le satellite terrestre qui observait les convives. Au moins une centaine de minuscules petits yeux verts brillaient à environ 150 mètres de l’endroit où ils se tenaient, et si les gens en train de s’empiffrer comme ils faisaient avaient fait un peu plus attention aux enfants qui les accompagnaient, ils se seraient rendu compte qu’il en manquait un depuis une bonne demi-heure.
Celui-ci s’était aventuré seul à la lisière du bois tout proche, confiant et téméraire, ne se doutant pas un seul instant de ce qui l’attendait. Il gisait désormais sur le dos au pied d’un arbre, la gorge déchiquetée, les vêtements en lambeaux, de profondes morsures sur pratiquement tout le corps. Un trou béant se trouvait maintenant à la place de son ventre, faisant jaillir les intestins comme de grandes cordes gluantes.
Les gens autour de la table continuaient à plaisanter, à rire, à discuter de choses et d’autres, surtout de l’excellent repas qu’ils venaient de faire. En somme, ils vivaient et appréciaient un bon moment, ne se doutant pas du tout qu’il ne leur restait plus beaucoup de temps à vivre, dévorés qu’ils seraient comme ils avaient dévoré sans le savoir le jeune homme avec autant d’appétit.
Une des personnes se leva pour se promener un peu dans le champ juste à coté, afin de reprendre ses esprits après l’alcool ingurgité et l’estomac un peu lourd de tout ce qu’il avait avalé. L’herbe alentour n’avait pas été coupée depuis un moment et mesurait bien dans les 45 centimètres, chatouillant ses jambes nues. Il contemplait l’astre lunaire tout en marchant, et devait être déjà à une petite distance des autres quand la première morsure le fit sursauter et hurler de douleur. Il crut d’abord avoir été piqué par un serpent quand une deuxième, puis une troisième morsure, et enfin une multitude de petites dents acérées se plantèrent dans ses pieds et ses mollets, le faisant tomber sur le sol déjà humide. Il était complètement affolé, agitant les bras dans tous les sens, se débattant comme il pouvait, criant à l’aide de toutes ses forces. Les autres se levèrent de leurs sièges, chacun se demandant ce qui arrivait, ne comprenant pas très bien si c’était une bonne blague ou s’il se passait vraiment quelque chose d’anormal.
Une des petites créatures aussi affreuses que celles que l’on peut voir dans un film d’horreur pénétra directement dans la bouche du malheureux, l’étouffant à moitié, et d’un coup mordit dans sa langue, faisant pisser le sang dans le fond de sa gorge. Plusieurs autres se permirent d’entrer dans son short, découvrirent ce qui s’y cachait, et se jetèrent dessus avec frénésie. Le bruit de leurs mâchoires avait quelque chose d’écœurant, arrachant la peau veloutée, se baignant dans le sang qui giclait. Son torse grouillait de toutes ses monstrueuses petites choses, sa tête n’était plus qu’un amas sanguinolent. Déjà sa cervelle sortait de son crâne fendu et liquéfié par la salive acide des bestioles démoniaques, cette cervelle qui lui avait pourtant permis de faire de bonnes études par le passé.
Les autres personnes commençaient à accourir, n’entendant plus rien des cris affolés de tout à l’heure, car bien sûr il était mort depuis quelques instants déjà, heureusement pour lui.
Le troisième qui y passa, ce fut justement le fameux cuisinier, juste retour des choses. Celui qui ‘’aimait ‘’ tant ses semblables fut lui aussi très aimé par les petites créatures sorties d’on ne sait où. On peut même dire qu’il fut carrément le plus apprécié, car sa viande avait ce goût incomparable de chair humaine, lui qui en avait tant avalé au cours de son existence. Les autres essayèrent de s’enfuir en criant et hurlant, terrorisés, mais tous furent rattrapés, mordus, déchiquetés, mis en pièces, et il n’y eut aucun survivant.
La lune pleine continuait de contempler ce triste spectacle, indifférente comme à son habitude à tout ce qui concernait l’espèce humaine. Le lendemain matin de bonne heure, des centaines de grosses mouches noires pondirent leurs œufs dans ce qui restait des convives de la veille, et des charognards emportèrent le reste, même les vêtements. Quand enfin on s’inquiéta de la disparition inexplicable d’une vingtaine de personnes qui avaient laissé toutes leurs affaires et leurs voitures sur place, jamais on ne se douta qu’elles avaient tout simplement été dévorées par des bestioles aussi abominables, de vraies créatures de cauchemars.
D’ailleurs elles attendaient patiemment dans leur repaire, peut-être que prochainement serait organisé un autre barbecue ?
Allez donc savoir...
auteur : mario vannoye
le 10 juillet 2007