C'est à cet instant précis que le Temps reprit sa place, pour s'imbriquer convenablement dans ce grand puzzle de la vie qui continue, seconde après seconde. Le véhicule qui avait si soudainement disparu refit cruellement surface sur le parking, avec à son bord un jeune couple qui voulait juste passer du temps ensemble seuls dans la nuit. Malheureusement pour eux, la fille et le garçon se retrouvèrent au mauvais endroit au mauvais moment, la dilatation temporelle se produisant juste à cet instant. Seulement cela se déroula le plus lentement possible, les secondes s'égrenant interminablement. Les effets sur nos deux amoureux fut des plus regrettables.
D'abord ils se demandèrent comment ils pouvaient se retrouver déjà là alors que quelques secondes auparavant ils n'étaient qu'au début du chemin. Puis ils éprouvèrent un violent mal de tête qui les firent saigner du nez, une vraie fontaine intarissable qui s'écoulait sur le corsage de la jeune fille, entre ses seins si blancs et si délicats, et sur la chemise toute neuve qu'il avait mise pour l'occasion pour le garçon, espérant ne pas la garder bien longtemps au cours de la soirée, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut bien que les corps exultent, non ?
Un étau distordant fait de Temps, d'espace, d'antériorité et d'avenir qui se contracte et se déploie pour retrouver sa forme première comprima leurs corps si jeunes et tellement fragiles, les faisant ressembler à des monstres obscènes. Quelqu'un qui se serait trouvé juste à côté aurait entendu le craquement des os qui se brisent, l'ébullition du sang prêt à suinter par tous les orifices, leurs cris dans leurs gorges sur le point de jaillir mais ne le pouvant plus. Et tout redevint comme une seconde auparavant, instant figé dans l'espace, où nos deux malheureuses victimes se demandèrent ce qui venait de leur arriver, assis là dans leur voiture sur ce parking désert, lui avec sa chemise si propre, elle avec ses petits seins si blancs d'ingénue innocente, couleur qui vira de nouveau au rouge dans la seconde qui suivit, les vibrations temporelles reprenant leurs cours interrompus par une inexplicable hésitation qui leur donna une minuscule minute de répit, mais aucune chance de survie.
Leurs corps furent de nouveau secoués de spasmes incoercibles, leur sang jaillissant cette fois-ci par le nez, les yeux et les oreilles, hurlant tels des déments pour que cela s'arrête, leur peau se désagrégeant comme si elle était brûlée vive. Le Temps reprenait pour de bon sa place dans l'Univers. La friction temporelle désintégra leurs chairs dans un amalgame de particules dispersées dans le cosmos, passé et futur se mélangeant dans une énorme cacophonie de tous ceux qui ont existé ou qui existeront. Ils furent tous deux brassés, incorporés, broyés, liquéfiés, malaxés dans une fusion de ce qui a déjà été et qui sera encore, le commencement du Monde et la fin de tout chose.
Il ne resta plus rien de leur existence, pas même le véhicule qui les avait conduit jusque-là.
A cinq mètres d'où venait de se produire ce bien triste évènement, Rick se retrouva de nouveau seul, se demandant ce qu'il pouvait bien faire là à attendre que quelqu'un vienne pour l'observation. Il n'avait rien vu de ce qui venait de se passer, le Temps défilant en parallèle avec le sien, mais dans une autre dimension. Il était maintenant presque neuf heures. A part la voiture mystérieuse qui avait si soudainement disparue au milieu du chemin, personne n'était venu. Il n'avait pas du bien comprendre le message qu'il avait lu. Confusément il lui semblait revivre les mêmes moments qu'une semaine auparavant. Pourtant hier soir il avait bien répondu "A demain". Donc ce soir. Dès qu'il rentrerait chez lui, il relirait plus attentivement ce message, se trouvant franchement idiot d'être venu ici pour rien.
Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il s'en était fallu de très peu pour qu'il se rencontre lui-même, pour qu'il se voit dans un univers parallèle. Si cela était arrivé, c'est lui qui se serait retrouvé dans la dilatation de l'espace-temps, désagrégé en d'infimes particules procurant d'atroces souffrances.
Il rentra chez lui, rangea son matériel d'astronomie, puis téléphona à son ami pour lui demander qu'est-ce que c'était que cette histoire de rendez-vous pour "demain" alors que personne n'était venu.
Il lui répondit qu'il se trompait complètement, que ce n'était pas pour ce soir, mais pour...dans une semaine !
Aussi si l'on vous dit "à demain" ou "à vendredi prochain", faites bien attention à ce que ce soit la bonne date, pas une vibration temporelle qui vous fait croire que demain n'est pas demain mais un autre jour.
Le Temps peut nous être si néfaste parfois. Jamais il ne respecte ce qui se fait sans lui...
auteur : mario vannoye
D'après une idée très originale de maxime gauthier
le 16 mars 2008