Il y a eu comme un rire d'épouvante, et elle s'est mise à crier elle aussi, William pleurant encore plus fort. J'avais la chair de poule, les poils de mon cou se hérissaient derrière ma tête. Oui j'avais peur moi aussi, je le reconnais. J'étais même mort de trouille. Franchement, n'importe qui dans notre situation aurait éprouvé la même chose.
C'est tout d'un coup que l'étrange lumière est apparue, surgie de nulle part, à une cinquantaine de mètres d'où nous étions. Elle était blafarde et sale, rayonnante et sombre à la fois, dansant au-dessus du sol tel un feu follet. J'y ai vu à l'intérieur des visages d'horreur nous regarder, des abominations nous contempler, démons sortis des enfers. Miranda aussi les a vus. Elle a hurlé de terreur en secouant la tête comme une folle devant ces visions de cauchemars.
Elle avait reposé William à terre, et il s'agrippait à mon pantalon pour que je le prenne dans mes bras. Mais malheureusement je n'en ai rien fait.
Cette lumière ignoble, ce darkshine, s'est éteint brusquement, nous replongeant dans les ténèbres. J'ai senti un souffle mauvais sur le visage, un frôlement démoniaque me caresser la joue, tous ces êtres de répulsion me toucher sur tout le corps. J'agitais mes bras en tous sens pour les éloigner, totalement paniqué. Je voulais qu'ils cessent immédiatement de me palper comme ça. J'en avais oublié Miranda et William, qui devaient être dans une plus grande terreur que moi. C'est cette réaction-là qui me tourmente le plus désormais.
Quand cela a cessé au bout de plusieurs minutes je ne sentais plus à côté de moi leur présence. J'ai avancé les mains tout en les appelant, mais je n'ai rencontré que le mur froid et sale. J'ai crié leurs noms un nombre incalculable de fois, faisant attention à ne pas les heurter du pied si jamais ils étaient allongés sur le sol. Mais ils n'étaient plus là, ma tendre épouse et mon petit garçon, ils avaient disparu tous les deux, emmenés par je ne sais quelle monstrueuse entité. Cela peut vous paraître à peine croyable, mais c'est pourtant la stricte vérité. Je n'ai toujours pas compris pourquoi ils ne m'ont pas emmené moi aussi.
J'ai continué mon chemin tant bien que mal dans la pénombre, toujours en les appelant, et à un moment j'ai bien cru les entendre tous les deux. Mais ce n'était qu'un tour de mon esprit, tellement je désirais les avoir à côté de moi. J'ai continué devant moi tel un aveugle, désespéré et impuissant de ne pouvoir faire mieux.
J'ai entendu au loin les bruits de la circulation, et j'ai essayé de marcher un peu plus vite pour retrouver l'air libre. J'ai butté sur quelque chose de flasque et humide et me suis affalé sur la route, me cognant la tête sur le bord du trottoir. Je me suis évanoui quelques minutes, et lorsque j'ai repris mes esprits, j'ai clairement entendu des pas s'éloigner dans la direction opposée, s'enfonçant dans l'obscurité. Je n'ai pas appelé, à bout de force comme je l'étais. De toute façon je n'avais vraiment pas envie de savoir de quoi il s'agissait.
J'ai enfin vu le bout du tunnel, et quand jen suis sorti j'ai avalé goulûment tout lair que je pouvais.
Un mal de crâne horrible me vrillait la tête, j'étais vraiment sale et les vêtements chiffonnés, comme si je m'étais roulé dans la poussière. Mais surtout, j'avais le visage hanté par la peur, et quand enfin j'ai vu une boutique encore ouverte, j'y suis entré pour raconter ce que je venais de vivre. Les gens ne comprenaient rien à mon histoire, des propos complètement décousus sans queue ni tête.
Je me suis rendu compte tout d'un coup que j'étais dans la même boutique qu'avant notre traversée sous le tunnel, le même marchand de tabac, et c'est ça le plus extraordinaire. On avait tourné en rond sans même sans apercevoir, mais est-ce que l'on avait vraiment fait ça dans ce maudit tunnel ? Le boutiquier me jura par tous les saints qu'il ne m'avait jamais vu et qu'il n'avait certainement pas fermé son échoppe tout à l'heure.
Je perdais les pédales à mon avis mais j'étais sûr d'une chose, c'était bien lui qui m'avait servi, dans ce quartier, et plutôt mourir que de repasser dans ce tunnel. Il a appelé un taxi et je me suis rendu de suite à la police, qui bien sûr ne m'a pas crû du tout.
J'ai été obligé de leur expliquer pendant des heures, et on a refait le même chemin ensemble, avec de puissantes torches cette fois-ci, reniant par là-même la promesse que je m'étais faite, ne plus jamais repasser là-dessous.
Personne ne les retrouva. Les journaux du pays en parlent encore de temps en temps. J'ai raconté cette histoire étrange à la famille de Miranda, qui depuis ne veulent plus me voir, car ils me rendent responsables de leur disparition.
Les rares fois où j'arrive à dormir, je me réveille en sursaut, trempé de sueur, les draps entortillés autour de moi, car j'ai clairement vu dans mon sommeil cette lumière sombre réapparaître, avec à l'intérieur toutes les mêmes atrocités. Mais ce n'est plus moi qu'elles regardent et qu'elles appellent, ce sont William et Miranda qui sont à leur côté, retenus prisonniers par ces horreurs.
Et tous les deux hurlent de douleur et me déchirent l'esprit, mais je ne peux rien faire.
Tout comme je n'ai rien fait pour les aider sous le tunnel, trop occupé à me défendre de mes propres démons.
auteur : mario vannoye
le 23 septembre 2007