Depuis deux heures qu'il était assis en face de son clavier à faire des recherches sur internet pour son cours de physique de demain, il se dit qu'il avait bien besoin d'un verre d'ice-tea et de se dégourdir un peu les jambes. Il sortit donc de sa chambre au sous-sol de la maison, monta à la cuisine et se versa un verre de sa boisson préférée.
William en profita pour faire un petit tour dans le jardin, s'étira longuement en humant les délicieuses fragrances des rosiers en fleurs, donna une caresse au chat qui dormait à l'ombre d'un arbuste et redescendit dans son antre, jouissant du plaisir d'être seul à la maison jusqu'à 18 heures, heure à laquelle son frère rentrerait de l'école et n'arrêterait pas de le taquiner sur une chose ou l'autre, comme à son habitude. Mais ils s'entendaient rudement bien tous les deux, et rares étaient les moments où ils se disputaient pour de bon. Ses parents ne rentreraient quant à eux que vers 19 heures.
En descendant les escaliers, un mot bizarre simposa à son esprit, et il se demanda fugacement ce que cela voulait dire : wampus. Il n'en chercha pas plus loin la signification et entra dans sa chambre, en pensant déjà à autre chose.
C'est en se rasseyant qu'il vit les deux mots écrits sur l'écran, et son coeur bondit dans sa poitrine en les lisant : tu verras, écrits en grosses lettres gothiques.
Il tourna la tête en tout sens, la chair de poule hérissant les poils de ses bras, un fourmillement désagréable lui parcourant la nuque, comme cela arrive quand on a vraiment peur.
Il dressa l'oreille, un début de panique le prenant à la gorge, attentif au moindre bruit dans la maison, s'attendant presque à voir quelqu'un d'inconnu entrer dans la pièce. Mais rien d'autre ne se passa jusqu'à l'arrivée du reste de la famille, et il se garda bien de leur parler de cet étrange phénomène, comment deux mots pouvaient ainsi s'écrire tout seul sur un écran d'ordinateur.
Il réussit à se raisonner pour ne pas avoir bêtement peur, et même à oublier un peu cette aventure étrange et incompréhensible.
Jusqu'à deux semaines plus tard.
Il venait de faire 15 kms en vtt, sous un soleil de plomb, et en rentrant prit à peine le temps de parler avec sa famille pour filer sous la douche et se rafraîchir.
Il y resta facilement vingt bonnes minutes, appréciant avec délice l'eau tiède s'écoulant sur son corps, ne pensant à rien d'autre. Puis il arrêta le jet car son frère tambourinait à la porte, hurlant qu'il voulait aussi se doucher, l'invectivant en plaisantant qu'une salle de bains était faite pour le bain et non pas pour quelque coupable plaisir solitaire. Son père en rajoutait encore plus par solidarité masculine avec son humour si particulier, disant qu'il faut bien que le corps exulte aussi dans la jeunesse et que la théorie selon laquelle ça rendait sourd n'était qu'une immense connerie, et sa mère leur sommant de ne pas proférer de tels propos dans leur maison.
La buée était si importante qu'il y voyait à peine, et il s'approcha de la grande glace murale pour se sécher, une serviette de toilette à la main.
Alors qu'il était seul dans la salle de bain fermée à clé, une main avait écrit sur le verre embué : la mort.
Il marcha quelques pas à reculons en titubant, véritablement paniqué cette fois-ci, en bredouillant sans s'en rendre compte. Il ouvrit fébrilement la porte de la pièce alors qu'il n'avait pas encore enfilé un seul vêtement et se retrouva dans le couloir, blanc comme un linge, avec son frère qui le regarda les yeux ronds et devint complètement hilare. Sa mère détourna le regard car cela faisait bien dix ans qu'elle ne l'avait pas vu ainsi, et son père lui demanda si par hasard il n'avait pas oublié quelque chose avant de sortir de là. Il tendit le bras et montra l'intérieur de la salle de bains, ne cherchant nullement à cacher quoi que ce soit de son corps, car toute sensation de pudeur l'avait quitté pour l'instant, uniquement préoccupé par ce qu'il avait lu sur le miroir et qui lui donnait une telle frousse.
Il réussit tant bien que mal à expliquer pourquoi il était comme ça tout nu devant le reste de sa famille. Son père entra pour lire lui aussi ces deux mots, mais plus rien n'était inscrit, ils avaient tout bonnement disparus. Il se rhabilla enfin, sans éprouver la moindre honte, car il n'y avait ni gêne ni honte à avoir, et parlant sans arrêt.
Bien entendu, personne ne le crut.
Le pauvre William commençait à douter de son état mental, car cela faisait deux fois maintenant quil avait réellement vu, ou alors imaginé, que quelquun ou quelque chose s'amusait à lui faire peur.
Le soir même dans son lit, le mot "wampus" s'imposa de nouveau à lui. Il fit d'épouvantables cauchemars, se voyant poursuivit tout nu par un monstre horrible, et il se réveilla en sursaut, la sueur coulant sur son corps, en proie à une panique absurde.
Deux autres semaines se passèrent encore, sans rien d'autre à raconter, la vie poursuivant son cours, ses études l'accaparant de plus en plus à l'approche des examens. Il attendait avec impatience le samedi suivant, car une observation astronomique était prévue, une de ses passions. Il y retrouverait l'un des membres de son club avec qui il s'était lié d'amitié, et peut-être lui confierait-il ce qui lui arrivait.
Deux soirs avant cette sortie, il démarra son ordinateur pour jeter un oeil sur un programme d'astronomie qu'il trouvait particulièrement bien fait, et en attendant l'ouverture complète, mit un cd de musique sur sa chaîne hifi, un truc super qui s'appelait La mc Malcriado. Alors que les premières notes commençaient à jouer, il se retourna pour s'asseoir, tenant le boîtier vide à la main.
Il le fit tomber de saisissement, car deux autres mots étaient inscrits de nouveau sur l'écran : en face.
Encore en grosses lettres gothiques.
Il ouvrit la porte de sa chambre et se rua dans celle de son frère Allan qui lisait un bouquin sur la plongée sous-marine, lui prit le bras en le secouant et lui dit, presque ivre de colère : C'est toi qui as écrit ça, c'est ça hein, tu te crois malin, t'as touché à mon pc pour que j'aie ça en le démarrant, je t'interdis tu m'entends, je t'interdis de rentrer dans ma chambre !!!.
Le pauvre ne comprenait rien à ce que William lui racontait, et ils allèrent tous deux jusqu'à la chambre de celui-ci pour qu'il lui montre pourquoi il était si en colère, et comme de bien entendu plus rien n'était écrit, seul le programme d'astronomie était ouvert.
- Ecoute mec, tu commences à me faire flipper avec tes histoires, je t'aime bien mais vas pas trop loin quand même, ou alors y faudra te mettre la camisole. Sur ce il quitta la chambre en chantonnant : la caaamisoooole la caaamisooole pour William, y lui faut la caaamisoooole.
William était en sueur et se demandait ce qui lui arrivait, que non, c'était pas son petit frère qui lui avait fait cette blague. Soudain il réussit à former la phrase complète, elle s'imposa à lui comme une évidence. En mettant les six mots bout à bout, ça donnait : Tu verras - la mort - en face -